Biographie détaillée

L’enfance en Berry.

Le 23 Mai  1879, à Buzançais dans l’Indre, Louis TRONCET et son épouse Anne-Arthémise  BERTHOULY accueillent  leur deuxième fils Antony. Ils avaient déjà Joseph né le  9 Août 1877,  viendra ensuite Fernand le 31 Janvier 1884.  

Louis, Instituteur, est devenu Directeur d’école à Buzançais. La famille habite dans une maison de fonction, encore existante et renseignée d’une plaque commémorative rue Neuve. 

Antony grandit dans une famille unie, entourée de nombreux cousins et cousines :  Anne-Arthémise est  issue d’une grande fratrie (4 filles, 1 garçon).

Bon élève, il progresse sans difficultés jusqu’au collège.  Ses parents détectent rapidement sa vive intelligence, sa sensibilité et surtout un talent précoce et un désir affirmé pour dessiner et peindre. Ils décident alors, au début des années 1890, de déménager à Paris pour orienter Antony vers les meilleures formations artistiques et ses frères vers les meilleures écoles.

Antony jeune

 

L’adolescence à Paris.

A Paris  Louis sera sur place pour travailler chez LAROUSSE à l’édition et à la commercialisation de son célèbre Arithmographe et il participera à la rédaction de l’Encyclopédie LAROUSSE. (voir « les parents d’Antony »).

Les TRONCET vivent au 9 rue CHARLET. Antony fréquente le Lycée BUFFON, il y est cité au tableau d’honneur, et il suit les « cours de dessin de la Ville de Paris »,  récompensé de plusieurs médailles de la ville. En 1894, il a 15 ans et il réalise son premier autoportrait (huile sur toile 0,49 x 0,41m).

Premier autoportrait à 15 ans...

 

 

Les études supérieures à l’ENSBA.

Son cursus secondaire achevé, en 1897 il devient étudiant et commence ses études supérieures de peinture à l’académie JULIAN  jusqu’en 1902, inscrit au cours de Jean-Paul LAURENS et Benjamin CONSTANT. Il  se « rôde » aux différents concours et obtient plusieurs prix en argent et 5 Médailles de Bronze (en 1899, 1900 et 3 en 1901). Cette célèbre et solide formation constitue « l’antichambre » de la prestigieuse Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts (ENSBA) qu’il intègre donc en 1902 avec les mêmes professeurs.

En 1900, c’est l’émancipation, Louis est nommé directeur à Saint Florentin au Nord de Châteauroux et Antony entame sa vie d’adulte à Paris. Il loge pendant un temps chez son oncle Félix (frère de sa mère) 44 Avenue du Maine.

En 1902 il est admis à titre définitif à l’ENSBA toujours au cours de Jean-Paul LAURENS et Benjamin CONSTANT, il remporte de nombreuses récompenses et va se présenter 5 fois au Concours de Grand Prix de Rome 1902, 1903, 1904, 1908, et 1909. (1903 médaille d’or, 1904 médaille d’argent, 1906 médaille de bronze, 1908 médaille d’or et bourse de voyage de l'état voir rubrique « les Etudes et les Concours de Prix de Rome ».

 

 

On le retrouve à  plusieurs adresses, certainement des chambres d’étudiants 226 Rue Lecourbe, 17 rue de la Gaîté,  retour au 44 Avenue du Maine, 47 rue de la Gaîté et enfin de 1907 et jusqu’à son décès en 1939, dans ce bel immeuble du 5 rue Cervantès prolongée qui va devenir la rue Platon en 1911 (appartement plus atelier-verrière sous les toits, encore visible depuis la rue).

Le 5 rue Platon à Paris 15ème

Depuis son admission à l’ENSBA, Antony devient membre des Artistes Français et va fidèlement exposer tous les ans au Salon des Artistes Français jusqu’en 1938.

 

La carrière d’artiste.

Le succès grandissant, de bons articles de critique et les récompenses de haut niveau des 10 premières années de 1900 engendrent des commandes de portraits ou de scènes de genre. Au début ce sont des portraits d’amis ou de membres de la famille très remarqués au Salon des Artistes Français. Des personnalités vont négocier leurs portraits et le « bouche à oreilles » va établir sa réputation. Antony commence à bien gagner sa vie et cette réussite ne fera que s’amplifier.

Au Piano, pastel, (de G à D Fernand, Anony au piano, Joseph et Louis D. cousin germain. Au fond Louis TRONCET)

 

En 1908, on peut contempler au Salon le « portrait de Mme X ». Depuis 1904-1905, il a « quelqu’un dans sa vie » … Il s’agit bien de cette Mme X ! C’est Elise LESCURE jeune enseignante en Anglais. Elle est originaire de Champlitte en Haute Saône. Après une année de professorat à l'Hillside School-Headlands à Kettering Angleterre, elle enseigne au Château d’Auteuil à Paris au pensionnat des demoiselles  BOUREE.  

Comme Antony et Elise décident de passer leur vie ensemble, Elise ne reprend pas son métier et va devenir le modèle du peintre. Elle pose pour lui en de nombreuses  circonstances et l’assiste  dans sa carrière. Ils se marieront en 1912.

La Tasse Bleue, pastel. (Elise pose pour de nombreux tableaux)

Récompensé par une bourse de voyage de l’Etat  en plus de sa médaille d’or et de celle de 2ème classe, il part  pour l’Italie. Il enchaîne déplacements, sites historiques et musées au pas de course. Plusieurs cartes postales envoyées à son frère Fernand témoignent du manque de motivation à effectuer ce périple. Peu avant son retour, il lui dit qu’il s’ennuie…  sans doute pressé de retrouver Elise…

En 1909, Antony a 30 ans. Il est classé HC (Hors Concours). Ses études supérieures sont terminées.

Il réalise  et expose au Salon des portraits de personnalités célèbres :  en 1912 M. Etienne CLEMENTEL ( de nombreuses fois ministre de 1905 à 1925 ) et  Son Altesse Royale la Princesse Georges de Grèce (Marie BONAPARTE) en 1914 , puis celui du Prince Georges de GRECE en1917.

La guerre de 1914 à 1918 crée une grande dépression dans  les domaines artistiques. Mobilisation massive des artistes qui paient un lourd tribut en termes de vies humaines, pénurie de commandes, et suppression des manifestations artistiques. Pas de Salon  des Artistes  Français de 1915 à 1920.

Antony, ayant été « ajourné » par le conseil de révision en 1901, s’engage dans l’armée française en 1915. Il fait d’abord ses « classes » au Havre puis est affecté  à Paris, 34 rue du plateau dans le 19ème.

  Sur son livret militaire on peut lire : « ajourné à 1 an,  faiblesse, Services auxiliaires en 1901 : hypertrophie du cœur ».

« Engagé spécial pour la durée de la guerre le 28 octobre 1915…pour l’emploi de camoufleur au 1er régiment du Génie (section de camouflage).  Arrivé au corps le 2 novembre 1916 ».

Antony engagé volontaire en 1915

« Engagement spécial  résilié par décision de la commission de réforme de Versailles du 11 avril 1918 pour « bronchite des sommets ».   Antony a 39 ans.

Pendant cette période sombre, il maintient son niveau artistique en peignant plusieurs autoportraits et quelques commandes et il réalise des gravures « eaux fortes ». Il devient aussi  Secrétaire aux Artistes Français en 1914. 

A la reprise du Salon en 1920, c’est une explosion d’œuvres. Antony, quant à lui, « envoie » pas moins de 7 tableaux (5 huiles et 2 pastels) : trois portraits dont celui du général  CURE, un autoportrait et 3 scènes de genre.

1920 est aussi l’année du décès de son père Louis. Sa mère Anna Arthémise décèdera  en 1930.

        

Louis et Anna Arthémise TRONCET (Musée BERTRAND à CHATEAUROUX)

A partir de 1921 il est nommé Secrétaire Permanent de la Société des Artistes Français.

Parallèlement, il est aussi membre de plusieurs cercles artistiques très en vogue à l’époque : le Cercle Artistique Boissy d’Anglas dit «l’Epatant »,  le Cercle Artistique et Littéraire Volney, l’Inter-Alliés... Il devient Membre du Jury puis Membre du Comité des deux premiers Cercles et de celui des Pastellistes Français.  Il y expose régulièrement ainsi que dans d’autres galeries.  A titre d’exemple, … ( lettre du galeriste Maurice Rosenthal  désirant acheter le « Nu Récalcitrant » en 1927).

Antony est aussi sollicité pour réaliser les illustrations de plusieurs romans, nouvelles, recueils de poésie ou pièces de théâtre. Citons : L’Exorcisée de Paul HERVIEU, Le Voleur et Joujou de Henry BERNSTEIN, La Vie Privée de Michel TESSIER d’Edouard ROD, Les Demi-Fous de Michel CORDAY, Pascal GEFOSSE de Paul MARGUERITE, Sœur Philomène de E et J de GONCOURT…  Il illustre également des publications sur Victor HUGO, Pierre LOTI, José-Maria de HEREDIA, le Duc d’AUMALE, François COPPEE, André THEURIET, Octave GREARD…

En 1921-22 il traverse une longue période de faiblesse et de dépression. Il se ressource à Monthureux sur Saône une bonne partie de l’été. Elise  de chez ses parents à Champlitte écrit à une cousine ; « Tony est à Monthureux s’y plaisant mieux qu’ici puisqu’il y travaille. »…et dans une autre carte, « J’ai laissé Tony dans les Vosges où il s’est décidé sur l’insistance de sa mère, à laisser là tout travail momentanément et à se donner, ou tout du moins s’essayer, à la chasse et la pêche toute la journée ».

 

Presque chaque année, le couple passe une grande partie des vacances à Monthureux sur Saône où vit la sœur d’Elise. Antony adore ce pays, il s’y est fait des amis et réalise de nombreux portraits surtout de famille. Plus tard, la mère d’Elise viendra y passer ses dernières années.

Ils aiment aussi voyager en France  et à l’étranger Suisse, Allemagne, Espagne…

 

En 1928 l’autoportrait « l’Amateur » est récompensé par le prix HENNER :  extrait du journal "le Temps" du 27 Avril 1928 :  « … portrait d’Antony TRONCET par lui-même. Celui-ci est bien près du chef d’œuvre. L’artiste a tant de fois retracé sa propre effigie dans la même attitude et dans le même effet de couleur, noir et vert olive, qu’il devait finalement arriver à créer l’édition définitive. Saluons cette heureuse rencontre. » 

 La même année il est promu au rang de Chevalier de la Légion d’Honneur.

 

Le prix HENNER 1928 : L'Amateur (huile sur toile 1,34 x 1,09m)

Parisien, mais pas que… Fidèle à ses racines berrichonnes, Antony TRONCET a gardé des liens avec l’Indre et Châteauroux. Il a côtoyé des artistes  de  la région à l’Académie JULIAN ou/et à l’ENSBA et il fait des passages réguliers chez ses parents à Selles sur Nahon puis à Châteauroux. Il est membre de la société des Beaux Arts de l’Indre et ne manque pas d’envoyer des œuvres à certaines de leurs expositions ainsi que des poésies publiées dans  les revues locales. Il fait partie de ce groupe que l’on a appelé « les peintres Berrichons » avec Ernest NIVET, Fernand MAILLAUD, Bernard NAUDIN, André des GACHONS, Henri JAMET, Paul MADELINE, Raoul ADAM, Clément ARNOUX (qui « frôle » lui aussi le Grand Prix de Rome),  Ernest DESIGNOLLE, Paul RUE   …  A noter également un autre artiste plus jeune que j’ai eu la chance de connaitre vers la fin de sa vie à Levroux : Fernand COULON un ascète de la peinture ayant pour tout bien un vélo de course,  squatant et dormant à même le sol dans de vieilles maisons inoccupées. Je tenais à rendre hommage à cet homme qui  nous a toujours dit que son maître était Antony TRONCET…

Labour en Berry par Fernand COULON, huile sur toile.

Antony a eu également des attaches avec le Nivernais et Nevers…..    Nos recherches ne nous permettent pas pour le moment davantage de précisions.  Il a envoyé régulièrement des œuvres à des expos nivernaises, publié à plusieurs reprises des poèmes dans La Revue du Centre (Nevers) et a réalisé des affiches par exemple  celle pour la Société Artistique de la Nièvre en 1926. A ce jour, le Musée de Nevers est encore en possession de trois portraits imposants : deux autoportraits (le Convalescent et l’Amateur de 1924 et « Matri Meae » ou « Portrait de ma Mère » de 1926.

Etude  pour  une affiche

1926, Antony est contacté par le Roi de SIAM, RAMA VI,  pour lui commander le portrait de sa demi sœur, la princesse Valaya LALONGKORN (elle est la 43 ème enfant de la fratrie). Très satisfait par cette réalisation, le roi lui commande une copie d’un portrait du roi CHULALONGKORN, RAMA V, leur père. 

Antony reçoit  pour cette copie la somme de 20 000 Francs par chèque le 6 Mai 1929 et un don de 5000 Francs pour la "Société Amicale des Peintres et des Sculpteurs Français".

       

Photos du Roi RAMA V de Siam et de sa fille la Princesse Ramaya ALONGKORN 

Le peintre est aussi poète !  Depuis longtemps il écrit en forme classique des poésies dont certaines sont publiées dans des revues : Je Sais Tout, Le Mois Littéraire et Pittoresque, La Revue des Deux Mondes, La Revue Blanche, le Bulletin de la Société Amicale des Peintres et des Sculpteurs Français, La Revue du Centre, Le Gargaillou (Revue d’Art et de Littérature du Berry) … 

En 1932 il parachève un recueil  de 124 sonnets en alexandrins « Ut pictura poesis », célébrant « la gloire des maîtres de la peinture… En lisant ces poèmes, nous voyons des siècles d’art se dérouler sous nos yeux. C’est une histoire de la peinture non pas dogmatique et glacée comme un manuel, mais toute frémissante de vie, toute baignée de lumière spirituelle…. En sorte que le livre fermé, on croit sortir d’un musée où les plus belles toiles du monde se trouveraient rassemblées pour notre enchantement ».  Ces citations sont extraites de la préface signée par la « Divine »,  Julia B ARTET. Chaque sonnet, page de droite,  est savamment  illustré en page de gauche ce qui donne encore plus de sens à l’écriture. Sur les conseils de ses amis et relations, Antony présente son manuscrit à l’Académie Française qui le couronnera en 1933 en lui décernant le prix de poésie  Le FEVRE- DEUMIER. Malheureusement il ne sera pas publié, seuls quelques sonnets paraîtront dans des revues et journaux …et bien sûr maintenant sur son site officiel !

Le manuscrit de Ut Pictura Poésis

Malgré la fatigue et une santé qui se dégrade entre ses périodes de dépression et ses problèmes respiratoires, Antony TRONCET continue à peindre et expose jusqu’en 1938 aux Salons des Artistes Français.  En 1937, on peut remarquer  qu’il ne présente qu’un seul tableau,  certes un beau portrait de personnalité (M. POIRIER Directeur de la Compagnie de l’Union), c’est parce qu’il se consacre en priorité à son grand ‘œuvre, un projet de triptyque d’inspiration mythologique : « Le Songe de Philétas » inspiré du roman de  LONGUS , auteur grec des II ème et III ème siècles de notre ère. Cet ensemble de trois toiles, encadrées d’après les dessins d’Antony et exposé au Salon de 1938 est maintenant au Musée BERTRAND à CHATEAUROUX (36).

Daphnis et Chloé

La Vie de Bacchus (dernière étude peinte sur bois 1939)

Antony enchaine très vite sur un deuxième triptyque encore plus grand « la Vie de BACCHUS » qui reste hélas inachevé. Après un dernier autoportrait au pastel, il décède à son domicile-atelier du 5 rue Platon à Paris le 26 mars 1939, à l’aube de ses 60 ans.

Après l' inhumation d'Antony au cimetière de Monthureux sur Saône, Elise déménage à Châteauroux dans la maison familiale des Troncet, 62 rue de l'Indre, en compagnie de sa petite nièce de 15 ans comme jeune fille au pair. Celle-ci l'accompagnera jusqu'à son décès en 1957.

En  conclusion :     Sonnet N° 2    de « Ut pictura poesis »                                                                
 un prologue en guise d’épilogue de la main d’Antony...

        

                                                                     Michel LAVERGNE (sources : Archives TRONCET)